Chronique lecture, Littérature américaine

Va où la rivière te porte – Shelley Read

Je ne sais pas ce qui m’a pris de lire ce roman, non pas qu’il n’est pas bon, mais alors qu’est-ce qu’il est triste. Moi qui ai besoin d’intrigues légères, de belles histoires et de gnangnanteries divertissantes, je me suis retrouvée avec le cœur malmené, les émotions à vif et plusieurs mouchoirs y sont passés. Chaque page semblait me plonger un peu plus dans une mélancolie profonde, et je dois vous avouer que j’ai poussé un ouf de soulagement une fois la dernière page tournée. Mon Viking, qui m’a vue chouiner à plusieurs reprises, m’a même dit « nan mais faut que t’arrête les livres tristes là hein ! ».

Il est vrai que parfois, l’intensité des émotions peut réveiller en nous certaines blessures, cicatrices ou sensibilités, mais dans ce cas, je me suis sentie presque écrasée par le poids de la tristesse. Ce roman ne se contente pas de raconter une histoire. Il vous imprègne, il vous bouleverse, et il vous implique émotionnellement du début à la fin.

Je vous parle aujourd’hui de Va où la rivière te porte, de Shelley Read, publié chez Pocket.

Citation

« Il existe une forme de tristesse qui transcende la tristesse, qui se déverse comme un sirop brûlant dans chaque fissure de notre être, prenant sa source dans le cœur avant de s’infiltrer dans chaque cellule et dans le sang, à tel point que rien – ni la terre, ni le ciel, ni même notre propre paume – n’est plus jamais pareil. C’est une tristesse qui change tout. »

Un roman bouleversant

Il y a des romans que l’on referme le cœur serré, la boule dans la gorge et les yeux humides, Va où la rivière te porte en fait partie.

L’intrigue tourne principalement autour de la jeune Victoria. Nous faisons sa connaissance lorsqu’elle a seulement 17 ans et qu’elle se retrouve seule femme de la famille après avoir perdu sa mère dans un terrible accident. L’entreprise familiale, une exploitation de pêchers, fait vivre chichement la petite famille constituée du père de Victoria, son oncle par alliance qui se retrouve non seulement éclopé après la guerre mais également veuf après avoir perdu sa femme dans le même accident qui a coûté la vie de la mère de Victoria, et le terrible Seth, le frère de la jeune femme. Le point de départ de l’intrigue est le coup de foudre entre la jeune fille et Wil, un indien rencontré de manière fortuite, et qui lui fera vivre une passion aussi puissante que dangereuse. L’entourage de la jeune femme ainsi que les autres personnes qui constituent le petit village sont particulièrement hostiles aux étrangers et les répercussions de leur amour seront catastrophiques pour eux.

Ce qui m’a le plus émue, ce sont non seulement les épreuves auxquelles sera confrontée Victoria durant toute son existence, mais également son courage, sa force, sa pugnacité et sa capacité de résilience. Elle est de ces femmes émancipées capables de prendre le fusil pour faire fuir les personnes toxiques, de prendre des décisions difficiles, de celles qui brisent, pour elles parce qu’elles sont prises dans le but de protéger l’être aimé. Elle traverse sa vie dans une solitude voulue, mais pesante, sans pourtant jamais perdre espoir en la vie.

Je reconnais volontiers les qualités d’écriture de Shelley Read. Elle décrit la nature et les émotions humaines avec une rare sensibilité et comme peu savent le faire. Ici, le bruit du vent, les feuilles qui craquent sous nos pied, le bruit des pas dans la neige prennent vie dans notre esprit. On s’émerveille de lire la description de la forêt au fil des saisons, la douceur d’une peau de pêche que l’on retire de l’arbre, on imagine sans mal le bruit de la rivière et les vergers de pêches tout autour. Les sens sont exacerbés durant la lecture de ce roman, le décor et le paysages sont des personnages à part entière et ils forment une sorte de fil rouge tout au long du roman. Tout est vivant, tout à une âme. Chaque page tournée révèle un univers riche et vibrant, où la nature est tantôt douce, tantôt sauvage, mais toujours empreinte de poésie.

La question du deuil est particulièrement présente : deuil des proches décédés, deuils d’un amour impossible ou des choix difficiles qui impacteront le restant de notre vie. L’auteure fait ça de manière subtile, sans pathos ni exagération, en explorant les différentes facettes de la souffrance et du chagrin. Elle nous invite à réfléchir sur la manière dont ces expériences de perte façonnent notre identité et notre vision du monde. Au fil des pages, on ressent cette tension et cette mélancolie, illustrant ainsi le chemin complexe que nous empruntons pour trouver la paix intérieure après des pertes qui marquent notre vie à jamais. C’est ce thème omniprésent qui m’a tant touchée, c’est un sujet particulièrement sensible chez moi en raison de mon vécu.

La rivière prend également une place importante dans le récit, cela n’étonnera personne vu le titre du roman. Elle représente le fil inéluctable de la vie, la possibilité de se laisser porter ou malmener par les flots. J’aime particulièrement les rivières, je n’ai eu de cesse, durant ma lecture, de revoir un sentier de randonnée que l’on avait parcouru en septembre dernier en Norvège dans une randonnée d’une journée (cliquez ici si vous souhaitez lire l’article et voir les photos sur mon blog de voyage). Je me suis imaginée certains passages du roman dans ces jolis lieux isolés et accessibles uniquement après plusieurs heures de marche.

Le mot de la fin

J’ai refermé ce roman avec un certain soulagement de l’avoir terminé mais également franchement bouleversée, vous l’aurez compris.

Shelley Read signe un impressionnant premier roman, d’une maturité remarquable. Ce roman est un hommage aux femmes qui ont toujours dû lutter pour s’affranchir du patriarcat et de l’ordre établi. Il est un roman d’une noirceur infinie mais sublimé par une écriture poétique lumineuse qui m’a beaucoup touchée. Pour résumer, j’ai souffert, mais c’était beau 😀

Si vous êtes un tant soit peu déprimé en ce moment, je ne vous le conseillerai pas forcément dans l’immédiat…

Sur ce, je retourne à mes Jenny Colgan et à mes sagas familiales !

Laisser un commentaire